Malines se présente depuis des années comme une ville culturelle dynamique, où la splendeur historique se combine avec une vie artistique et culturelle contemporaine foisonnante. Au cœur de cette dynamique se trouve le Cultuurcentrum Mechelen, véritable plaque tournante d’un large réseau de créateurs, d’entreprises, d’institutions et de bénévoles.
Comment développer des activités culturelles durables, inclusives et innovantes dans un tel contexte ? Steven Defoor, directeur des loisirs de la Ville de Malines, en témoigne. Son récit montre comment vision, coopération et audace d’innover permettent à Malines de rester solidement ancrée sur la carte culturelle.
« Je suis musicien de formation », confie-t-il. « Parce que j’ai moi-même vécu le métier d’artiste, je perçois fondamentalement autrement ce que représente une scène. Je connais tout le cycle : de la gestion à la technique, en passant par le jeu dans des salles prestigieuses ou dans des espaces où rien ne sonne juste. Cette expérience m’aide à développer les infrastructures, évaluer les impacts et comprendre les flux de public. Je sais ce que l’on ressent en tant qu’artiste, mais aussi en tant que spectateur — et cela me permet de prendre des décisions équilibrées pour les deux. »

Un écosystème en mouvement
Le CC Malines est souvent perçu comme un pionnier, mais selon Steven Defoor, ce n’a jamais été une fin en soi.« Notre priorité est d’avoir un impact sur la communauté. Et cela, nous ne le faisons jamais seuls. Nous travaillons au sein d’un véritable écosystème de partenaires, dans la ville et au-delà. Nous partageons programmation, billetterie et même infrastructures. Au bout du compte, tout est fait pour le même Malinois. »
La collaboration est donc essentielle. Prenons par exemple les programmes scolaires, développés en partenariat avec le théâtre De Maan et theater arsenaal. « Nous proposons une offre unique, sans concurrence. Cela la rend plus solide et plus équilibrée. »
Cette vision dépasse aussi les frontières de la ville. Malines, par exemple, est jumelée avec Lviv en Ukraine, où des projets culturels sont menés en collaboration avec la communauté locale. « Nous voulons aussi avoir un impact là-bas — pas seulement en apportant quelque chose, mais en travaillant réellement avec les habitants sur place », explique Defoor.
Mais la coopération ne fonctionne qu’avec des partenaires ouverts. « Un partenaire qui ne pense qu’à ses propres intérêts n’a pas sa place dans notre écosystème. C’est en parlant, en partageant et en affrontant les défis ensemble qu’on obtient un meilleur résultat. »
Innovation et programmation différente
Defoor voit comme mission essentielle du CC Malines de tester de nouveaux formats et d’atteindre de nouveaux publics. « Pour moi, programmer différemment signifie : ne pas simplement parcourir une liste de bookers et choisir les spectacles qui se vendent le mieux. Nous partons plutôt de la question : qu’est-ce que nous voulons accomplir, qui voulons-nous toucher et quel format s’y prête le mieux ? »
Cela peut impliquer de donner une chance aux jeunes talents, d’expérimenter de nouveaux espaces ou d’essayer des formats totalement inédits. « Il ne s’agit pas juste de cocher des cases en matière de diversité, mais de créer un véritable lien dans une ville qui compte 138 nationalités. »
Parfois cela fonctionne, parfois non. « Et parfois, il faut reconnaître : d’autres savent mieux faire que nous. Alors, nous soutenons, au lieu de vouloir tout faire nous-mêmes. »
Il cite l’exemple de l’essor du cirque, devenu à Malines une forme d’art à part entière « digne d’un CC », avec des compagnies telles que Cirque Ronaldo, Collectif Malunés et l'école de cirque locale. « C’est comme si c’était dans l’eau », sourit Defoor. Des projets comme Outside-In, menés avec le theater arsenaal et la cellule de développement des talents Radar, ont permis à de jeunes artistes de montrer leur travail dans un cadre professionnel — parfois même avec une intervention de seulement cinq minutes.
« Et là, on voit que ça marche, » poursuit-il. « Les artistes se disent : c’est pour moi, ça pousse ici. Les programmateurs et collègues remarquent aussi : tiens, il se passe quelque chose, il faut suivre ça. Le fait que nous puissions le faire ensemble, soutenir les jeunes artistes et générer un impact, renforce la créativité dans la ville. Ce sont vraiment de très beaux projets. »

Simple et équitable
Pour Steven Defoor, l’accessibilité ne signifie pas automatiquement des prix bas. « Nous sommes l’un des centres culturels les plus chers, mais le public en a pour son argent. Si l’acoustique est phénoménale et l’atmosphère juste, on est heureux de payer cet euro en plus. »
La qualité prime sur la quantité — tant pour l’expérience dans la salle que pour la manière dont les billets sont vendus. C’est pourquoi le CC Mechelen choisit délibérément la simplicité : pas d’abonnements complexes, pas de pass amis ni de réductions combinées. « Nous vendons simplement des billets. Clair et net. Tout le monde sait à quoi s’en tenir, et ça marche », dit Defoor.
Pour les personnes en difficulté financière, il existe l’offre élargie UiTPAS avec tarif réduit. « C’est un filet de sécurité nécessaire, que nous voulons offrir sans stigmatisation. »
L’infrastructure joue aussi un rôle clé. « Je déteste les salles polyvalentes », sourit Defoor. « Si vous proposez un cadre adapté, l’expérience s’élève d’un cran. Cela attire les gens. Tout est question de donner le bon contexte pour que les artistes comme le public tirent le meilleur de la soirée. »
Innover dans la relation avec le public
L’innovation ne réside pas seulement dans la programmation, mais aussi dans la façon de toucher le public. En 2020, en pleine crise sanitaire, le CC Mechelen est passé à ticketmatic.
Nos anciens systèmes s’écroulaient aux pics de vente. Aujourd’hui, les gens attendent une expérience fluide, comme sur Bol.com ou Zalando. Ticketmatic nous a donné ce flux.
-- Steven Defoor
--- Directeur des loisirs de la ville de Malines
En collaboration avec plusieurs partenaires de la ville, un système de billetterie partagé a été mis en place. Chaque organisation conserve son identité propre, mais le processus d’achat reste simple et identique pour tous les visiteurs.
« L’essentiel, c’est que les gens puissent acheter leurs billets sans tracas, qu’ils passent par chez nous ou par l’un de nos partenaires », explique Defoor.
Les résultats parlent d’eux-mêmes : plus de 90 % des ventes sont désormais numériques, et le processus d’achat est parfaitement intégré aux sites web de toutes les organisations participantes. « Après le changement, nous avons immédiatement reçu des mails : “Enfin, une vente qui fonctionne. C’est si simple.” Là, vous savez que vous êtes sur la bonne voie. »
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La culture au cœur de la ville
Dans les années à venir, Malines bénéficiera d’un véritable coup d’accélérateur culturel avec la réalisation du projet Au cœur de la culture. Dans le centre historique, sous la tour, des sites culturels existants et nouveaux seront réunis et entièrement rénovés.
Le projet comprend notamment l’église des Frères Mineurs, où est installé le Centre culturel de Malines, le TheAtrium et d’autres salles spécialement conçues pour certains genres. L’Académie des beaux-arts et le Conservatoire bénéficieront également d’infrastructures contemporaines, dont un auditorium rénové et deux nouvelles salles de danse. En reliant intelligemment les bâtiments et les cours intérieures, un ensemble unique verra le jour : un lieu où l’art, l’apprentissage et la rencontre s’entrecroisent, et où créateurs, étudiants et public se retrouvent naturellement.
Selon Steven Defoor, ce projet s’inscrit dans une vision plus large où Malines considère la culture comme un fer de lance du développement urbain. « L’art et la culture contribuent activement au bien-être, à l’image et à l’ADN d’une ville. Le retour ne se mesure pas seulement en argent, mais aussi en force et en identité. »
Cette conviction plonge ses racines dans l’histoire. Déjà à l’époque de Marguerite d’Autriche, Malines jouait un rôle de premier plan dans le domaine artistique et culturel. Aujourd’hui, cet héritage se poursuit avec un collège communal qui place la culture sur un pied d’égalité avec la mobilité et le climat. Pour Defoor, la conclusion est claire : « Le retour de la culture ne se limite pas à l’argent, mais à l’image et à la vitalité de votre ville, en Flandre comme en Europe. Aujourd’hui plus que jamais, les villes ont le pouvoir de faire la différence au niveau local. Nous sommes proches des citoyens, nous voyons et ressentons l’impact de nos choix. Cela vaut pour la mobilité ou le climat, mais aussi pour l’art et la culture. Plus vous adoptez le local et alignez la société civile, les organisations et l’offre culturelle, plus une ville se renforce et prospère. »
