La collaboration entre maisons culturelles présente de nombreux avantages : elle permet d’élargir la portée, de partager des connaissances et d’unir les forces pour organiser des événements communs. Une billetterie partagée joue souvent un rôle clé à cet égard. Mais cette coopération n’est pas sans risques : problèmes de confidentialité, retards ou perte d’identité peuvent surgir.
Dans cet article, nous verrons comment les organisations culturelles peuvent maintenir l’équilibre. Stefan Geldhof, coordinateur de la billetterie chez In&Uit Bruges, partage les enseignements tirés de ses années d’expérience.
Plus forts ensemble : les avantages des collaborations
Les collaborations entre maisons culturelles apportent des avantages tangibles. Stefaan en distingue trois qui reviennent sans cesse :
- Partage des connaissances
« Nous siégeons ensemble chaque mois dans un groupe de travail », explique Stefaan. « C’est là que nous partageons nos connaissances. Parfois, ce sont de petites choses insignifiantes, mais on apprend vraiment les uns des autres. » Les échanges informels permettent aux organisations d’apprendre plus vite et de travailler plus efficacement. La coordination de certains services au sein d’une même région est également importante, afin de garantir une offre uniforme pour le client — par exemple, des accords sur les remboursements ou les frais d’expédition.
- Facilité d’utilisation pour les visiteurs
Une billetterie partagée simplifie la vie du public. « Cette fonction de guichet unique a toujours été un principe important pour moi », affirme Stefaan. « Que les clients puissent réserver facilement, sans se heurter à des barrières. Notre site web en est un exemple : on peut y acheter des billets pour le centre culturel, le Concertgebouw, mais aussi pour la Procession du Saint-Sang. Tout au même endroit. »
- Manifestations conjointes
En unissant leurs forces, les acteurs culturels créent des opportunités qui seraient autrement inaccessibles. « Ensemble, nous pouvons mettre en place des choses qui n’auraient pas pu fonctionner autrement », précise Stefaan. « Comme Dance in Bruges, un festival du Concertgebouw, un centre culturel, le KAAP, ou encore des événements tels que la Triennale de Bruges ou le Krikrak... »
Ces avantages montrent comment la coopération renforce l’offre culturelle et la rend plus accessible.
Les inconvénients de la collaboration : défis et risques
Bien que la coopération en matière de billetterie soit attrayante, dans la pratique elle s’accompagne souvent de nombreux défis techniques et organisationnels. Les principaux risques en un coup d’œil :
- Complexité opérationnelle
La vente conjointe de billets complique les processus, surtout lorsque plusieurs comptes et systèmes sont impliqués.
- Risques de confidentialité liés au partage de données
Une base de données commune peut entraîner un partage non autorisé. « Il faut éviter qu’un centre culturel dise à un client : Vous êtes déjà dans le système, alors que ce client n’y a jamais rien acheté », prévient Stefaan. « Le client se demande alors : Où sont stockées toutes mes données ? »
- Perte d’individualité
Un réseau centralisé risque de gommer l’identité propre des maisons culturelles, car les structures de marketing et d’abonnement deviennent standardisées.
- Personnalisation difficile
Rapports, image de marque ou formules d’abonnement spécifiques deviennent plus compliqués dans un système partagé.
- Restrictions liées aux API
Les intégrations avec des outils externes sont plus complexes et parfois risquées.
- Retards dus à la gestion centralisée
« Imaginez qu’un problème provenant d’une seule salle doive être transmis au fournisseur par mon intermédiaire », explique Stefaan. « Cela revient ensuite vers moi, puis vers le public. On y perd énormément de temps. »

Conditions requises pour un partenariat de billetterie réussi
La collaboration en matière de billetterie peut apporter de nombreux avantages, mais seulement si des conditions claires sont établies, tant sur le plan organisationnel que technique. Sans accords précis, la coopération risque de s’enliser dans l’inefficacité, la frustration et la perte d’identité.
Nous distinguons quatre conditions clés pour qu’une collaboration en billetterie soit durable et réalisable :
1. Maintenir l'autonomie et l'individualité
Chaque organisation impliquée dans la collaboration doit pouvoir continuer à organiser ses propres activités. Cela implique :
- Séparation complète des données
Les données clients ne doivent jamais être entièrement visibles par les autres organisations du réseau. Comme le souligne Stefaan : « Il faut éviter qu’un centre culturel dise à un client Vous êtes déjà dans le système, alors qu’il n’y a jamais acheté de billet. Le client se demande alors : Où sont stockées toutes mes données ? »
- Un gestionnaire de billetterie propre
Chaque partenaire doit conserver son propre point de contact et sa propre organisation interne.
- Maintien du fonctionnement individuel
L’individualité ne se limite pas à l’image de marque ou au reporting : les formules d’abonnement, les actions marketing, les structures tarifaires et les structures de produits doivent aussi rester possibles.
2. Garantir la robustesse et la flexibilité techniques
Les infrastructures techniques doivent soutenir la coopération et non l’entraver :
- Systèmes autonomes
Les pannes ou erreurs ne doivent pas affecter l’ensemble du réseau ; chaque organisation doit fonctionner de manière indépendante autant que possible.
- Connexions API sécurisées et flexibles
Chaque organisation doit pouvoir connecter ses outils externes (sites web, systèmes de planification, etc.) de façon sécurisée et distincte, sans compromettre la confidentialité ni la flexibilité.
- Hébergement évolutif et résilient
Le système doit résister aux pics de charge et aux pannes temporaires, avec un impact minimal sur les autres partenaires.
3. Communiquez directement et efficacement
Pour éviter la lenteur et le bruit :
- Contact direct avec les fournisseurs
Les organisations doivent pouvoir signaler directement leurs problèmes techniques et besoins spécifiques à leur fournisseur de logiciels, sans passer par un intermédiaire central. « Imaginez qu’un problème provenant d’une seule salle doive être transmis au fournisseur par mon intermédiaire. Il revient ensuite vers moi, puis je dois encore le transmettre à l’auditorium. On perd énormément de temps. »
- Alignement des politiques
Des accords conjoints sur les coûts de service, les remboursements et les options d’expédition garantissent une expérience client uniforme sans tomber dans la rigidité. « Nous nous mettons d’accord entre nous : dans quels cas un billet est remboursé, dans quels cas il ne l’est pas. Ainsi, les clients de la même région ne se retrouvent pas à dire : J’ai été remboursé ici, mais pas là-bas. Nous voulons éviter cela. »
4. Fournir une configuration conviviale et flexible
Les canaux de billetterie partagés ne fonctionnent que s'ils restent accessibles à tous :
- Systèmes conviviaux
Le logiciel doit être intuitif, tant pour le personnel permanent que pour les intérimaires, surtout en période de pointe. « Même un débutant placé devant ticketmatic sans explication peut vendre un billet. »
- Échelle limitée
La coopération doit rester régionale et gérable ; plus le réseau est vaste, plus il devient difficile de préserver la rapidité et la compréhension mutuelle. « Si la taille est trop grande, il sera difficile de satisfaire tout le monde. En restant dans la même région, le travail est plus pratique et plus agréable. »
- Faciliter le travail
L’organisation doit soutenir la coopération, pas l’imposer. « Vous ne voulez pas devoir demander l’autorisation au réseau pour développer quelque chose de nouveau. Si la réponse est nous ne sommes pas convaincus, et que d’autres disent non, tout s’arrête là. »
Une collaboration qui fonctionne
Les collaborations en billetterie peuvent apporter une réelle valeur ajoutée, mais nécessitent une approche prudente. Mettre en place un système partagé ouvre des opportunités de partage des connaissances, facilite l’expérience du public et permet d’organiser des événements communs. Mais cela comporte aussi des pièges : complexité accrue, risques de confidentialité.
L’expérience de Stefaan montre que la coopération ne peut être durable que si les organisations conservent leur autonomie, établissent des accords clairs et gardent un contact direct avec les fournisseurs. Une collaboration réussie repose sur le respect mutuel, la confiance et la faisabilité pratique, et non sur l’uniformité ou le contrôle.
Lorsque les maisons culturelles parviennent à travailler ensemble sans perdre leur identité, une synergie puissante se crée : le tout devient plus que la somme des parties. L’objectif reste le même : offrir une expérience de qualité aux visiteurs et proposer une offre culturelle riche et variée.