De la découverte à la fidélité : comment le Concertgebouw Brugge attire, séduit et fait revenir son public grâce à la segmentation

Le Concertgebouw Brugge démontre que le succès ne repose pas sur les grands noms, mais sur la juste adéquation entre public et programme. Grâce à une segmentation fine et à une communication personnalisée et accessible, chaque visiteur occasionnel peut se transformer en spectateur fidèle.

Bert Vanlaere photo de profil
Bert Vanlaere
Directeur du marketing, Concertgebouw Brugge
’t Zand à Bruges, avec le Concertgebouw Brugge en arrière-plan.

Que faire lorsqu’il faut remplir une salle avec de la musique expérimentale, de la danse contemporaine ou des ensembles classiques encore peu connus ? Pour le Concertgebouw Brugge, la réponse est claire : il ne s’agit pas de viser la masse, mais la pertinence. En s’adressant aux bonnes personnes, avec la bonne offre au bon moment, la maison parvient à élargir son public pas à pas.

« Nous voulons que les gens assistent en moyenne à trois spectacles par saison, explique Bert Vanlaere, directeur marketing. En parallèle, nous visons chaque année 5 % de nouveaux visiteurs supplémentaires. » Une ambition exigeante, surtout avec un programme artistique qui assume de rester en dehors du courant dominant. « Nous n’adaptons pas ce programme au public, précise-t-il, mais nous donnons les bons repères. Il y en a pour tous les goûts et pour chaque âge. Mais cela ne veut pas dire que le public viendra spontanément : il faut aller à sa rencontre. »

Du ticket au modèle : segmentation par comportement

La première forme de segmentation repose sur ticketmatic et se base sur le nombre de visites par saison. « Nos visiteurs sont classés en segments : nouveaux visiteurs, occasionnels (deux visites ou plus), fréquents, et principaux, qui viennent plus de cinq fois, explique Vanlaere. Sur cette base, des e-mails sont envoyés automatiquement. Ainsi, si vous achetez un troisième billet, vous passez du statut “occasionnel” à “fréquent” et recevez une autre communication de notre part. »

Le contenu des e-mails s’adapte au profil. « Un visiteur qui vient pour la première fois souhaite avant tout découvrir le Concertgebouw. Il n’achètera pas directement un abonnement de cinq spectacles, donc nous ne le lui proposons pas. » À l’inverse, une personne qui revient deux ou trois fois reçoit des incitants ciblés : « Saviez-vous que dès trois spectacles, vous bénéficiez de 10 % de réduction ? » Ces messages intègrent aussi des informations pratiques ou culturelles : « Saviez-vous que nous avons également une collection d’art ? »

Du profil au sens : segmentation par motivation

Au-delà du comportement, le Concertgebouw s’intéresse aux motivations et centres d’intérêt de son public. Cette approche, menée avec l’Université de Gand (UGent), permet d’aller plus loin que les simples données de billetterie. « Un client achète un billet, mais cela ne dit pas encore qui est assis dans la salle, souligne Vanlaere. Si j’achète deux places, je suis dans vos données, mais pas la personne que j’ai invitée. »

Pour affiner cette vision, le Concertgebouw interroge ses visiteurs : avant leur venue et via un questionnaire en ligne après. Les résultats cartographient différents profils culturels, allant de ceux qui cherchent l’enrichissement à ceux qui recherchent l’aventure ou la sérénité. Ces informations sont ensuite traduites en labels expérientiels comme « aventureux », « intime », « frisson » ou « spirituel ». Ce modèle s’appuie sur la méthodologie internationale des Cultural Segments d’Andrew McIntyre, utilisée dans le monde entier pour classer les publics selon leurs valeurs et motivations.

Les labels ne servent pas qu’à décrire les spectateurs : les spectacles du Concertgebouw reçoivent eux aussi une étiquette. Reliés au CMS, à ticketmatic et aux outils de mailing, ces filtres apparaissent sur le site web, dans les e-mails et dans la brochure saisonnière. Chaque spectateur dispose ainsi d’une porte d’entrée adaptée à ses attentes.

« Sur notre site, nous proposons une aide à la décision : trouvez le spectacle qui vous convient. Vous pouvez indiquer si vous souhaitez quelque chose d’aventureux, d’intime ou de bouleversant… et vous recevez des suggestions personnalisées. » Grâce à cette approche, les visiteurs trouvent leur chemin dans une programmation qui ne mise pas sur les grands noms, mais sur la curiosité et la rencontre.

La grande salle du Concertgebouw Brugge, remplie de public. Sur scène, on aperçoit des instruments classiques, des chaises et des pupitres, mais aucun artiste n’est présent.
© Tim Theo Deceuninck

Communication ciblée

La segmentation rend possible une communication sur mesure. « Un seul e-mail peut faire des merveilles auprès de notre public. » Et ce n’est pas une exagération. Ainsi, une campagne lancée en début de saison, ciblant les personnes ayant acheté plusieurs billets l’année précédente, a obtenu le meilleur taux de réponse jamais enregistré par la maison. Pas de grande promotion, pas de diffusion massive, mais simplement un e-mail avec des recommandations personnalisées.« Cet e-mail devrait en réalité être l’aboutissement de tous vos efforts », explique Vanlaere. « C’est le dernier coup de pouce pour convaincre les gens de réserver. »

Il arrive que des spectateurs disent : « Je n’ai pas ouvert l’e-mail, mais j’ai lu l’objet et je suis allé(e) sur le site pour commander. » Et pourtant, en regardant uniquement le taux d’ouverture, on pourrait croire que l’e-mail n’a pas fonctionné. En réalité, c’est tout le contraire.
-- Bert Vanlaere
--- Directeur du marketing, Concertgebouw Brugge

Bien que le système de segmentation et de planification soit largement automatisé, l’équipe marketing choisit délibérément un ton personnel. « Nous rédigeons nous-mêmes nos e-mails », souligne Vanlaere. « Le contact humain est essentiel dans ce type de communication. »

En parallèle, l’équipe regarde aussi au-delà de la Flandre. Environ 5 à 9 % du public vient de l’étranger, avec des pics allant jusqu’à 33 % lors des festivals. Le Concertgebouw Brugge attire ainsi les amateurs de culture des pays voisins grâce à des campagnes ciblées sur les réseaux sociaux et avec l’aide d’ambassadeurs internationaux. Le message est clair : « Bruges? Sounds great! » — un lieu unique où la qualité sonore rencontre l’histoire.

Un contenu qui fait la différence

Outre le bon timing, le contenu est tout aussi déterminant. « Créer un contenu de qualité, c’est comme se mettre dans la peau du public : pour qui le faisons-nous vraiment ? Qu’est-ce qui pourrait l’intéresser ? », explique Vanlaere.

L’équipe réfléchit attentivement au ton, aux visuels et même à la stratégie vidéo, non pas en partant de ce qui est disponible, mais de ce dont le public a réellement besoin pour être interpellé. Cette logique s’applique aussi aux collaborations avec les artistes. « Nous ne voulons pas enregistrer une interview simplement parce qu’il le faut », poursuit Vanlaere. « Nous savons qu’un artiste a réellement quelque chose à dire, et c’est à partir de là que nous créons le bon contenu. »

Ainsi, la communication n’est pas une étape finale, mais une partie intégrante de l’expérience du public.

Un foyer pour les esprits curieux

Faire du Concertgebouw un lieu pour les esprits curieux va de pair avec une approche ouverte et chaleureuse. « Nous sommes une maison pour les curieux », conclut Vanlaere. « Nous mettons en lumière ce qui se crée et se vit dans le monde des arts, pour celles et ceux qui veulent explorer. Avec la devise Curated for the Curious, nous invitons chacun à découvrir l’univers inspirant des arts. »

Dans les campagnes en ligne ciblées, des personnages représentatifs de chaque segment — incarnant leurs motivations — témoignent de la manière dont ils ont découvert leur passion au Concertgebouw. Et ça marche : c’est pertinent, vivant et très diversifié.

Een video advertentie rond Curated for the Curious, die in hoog tempo sterk verschillende mensen toont en wat zij ontdekken bij Concertgebouw Brugge
© Concertgebouw Bruges

Même à l’ère du numérique, la brochure saisonnière reste incontournable. « Ce n’est pas de la publicité, c’est une carte de visite. Les gens la conservent, la feuillettent pour avoir une vue d’ensemble. Ils l’adorent et l’attendent avec impatience », souligne Vanlaere. « Et la majorité de nos billets — en partie grâce à l’attrait de la brochure — sont achetés avant août. »

Le Concertgebouw s’engage aussi activement auprès des publics éloignés. « Nous voulons être présents pour les personnes ayant moins d’opportunités, celles qui ont des difficultés de mobilité, les personnes atteintes de démence ou issues d’autres horizons », poursuit Vanlaere. « Nous avons désigné un chargé de participation qui va directement à la rencontre de ces groupes. »

La nouvelle génération trouve également sa place. Certains concerts accueillent parents et bébés, avec de la musique classique présentée de façon simple et accessible. Les écoles sont un autre public-clé : « Nous plantons une graine », dit Vanlaere. « Les enfants qui découvrent un spectacle avec leur classe reviendront peut-être plus tard d’eux-mêmes. »

Juste ce qu’il faut

« Nous devons proposer suffisamment de spectacles qui ne soient pas réservés aux experts, mais qui laissent aussi une place aux non-initiés », explique Vanlaere. L’objectif n’est pas de vendre le plus de billets possible, mais de proposer le bon spectacle, au bon moment, pour les bonnes personnes — avec le bon message.

C’est tout le sens de l’approche du Concertgebouw : segmentation, analyse et communication adaptée aux besoins du public. Le but : remplir les salles, bien sûr, mais surtout rencontrer le bon public, mieux le connaître — et le faire revenir.

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